Une récente étude (ICILS 2013) nous apprend qu’un élève sur trois seulement (34%) utilise un ordinateur à l’école au moins une fois par semaine en 2e année du secondaire I (10e Harmos). Trente ans après le début de l’introduction de micro-ordinateurs dans les écoles, comment cela est-il possible?
Article publié initialement dans mon blog «Education et médias» (portail de L’Hebdo) le 10 février 2015
C’est un des résultats mis en évidence par l’étude International Computer and Information Literacy Study (ICILS 2013) réalisée dans 20 pays par
l’International Association for the Evaluation of Educational Achievement (IEA) et l’Australian Council for Educational Research (ACER). En Suisse, un consortium composé de neuf institutions de l’enseignement supérieur a été créé pour réaliser cette étude. Fin novembre, il a publié un rapport très intéressant (à noter que ce document n’est plus disponible sur le site icils.ch). Quelques résultats inquiétants ont retenu mon attention.
Cette recherche a porté sur les compétences informatiques et médiatiques des élèves, mais aussi sur l’utilisation de l’ordinateur et de l’internet dans et hors du cadre scolaire, les usages et les représentations du corps enseignant, ainsi que des problématiques connexes. L’échantillon national comprenait 3’325 élèves, 796 enseignants et enseignantes, 144 directeurs, directrices et responsables TIC. Les élèves suisses ont obtenus des résultats moyens en ce qui concerne leurs compétences informatiques et médiatiques en comparaison internationale. Les élèves de Suisse romande et du Tessin obtiennent en moyenne des résultats inférieurs à ceux de Suisse alémanique. La Suisse se situe au milieu du classement, en 9e position sur 20 pays, bien qu’avec des résultats un peu supérieur à la moyenne. Les élèves dont le statut socioéconomique des parents est le plus faible obtiennent des valeurs clairement inférieures.
En revanche, la Suisse est un des rares pays de l’échantillon où garçons et filles ont obtenus des résultats globalement égaux. C’est réjouissant. Cependant, les enseignants et les enseignantes font nettement moins utiliser les ordinateurs comme outils de travail en classe que les autres pays. Un tiers des élèves ont déclaré utiliser au moins une fois par semaine les ordinateurs à l’école, tous usages confondus (voir graphique). Donc deux sur trois ne les utilisent même pas une fois par semaine! Lorsqu’on demande aux élèves de citer les différentes matières d’enseignement pour lesquelles ils font usage de l’ordinateur et selon quelle fréquence, on obtient les résultats représentés dans ce second graphique.
Moins d’un élève sur dix est appelé à utiliser régulièrement un ordinateur en classe comme outils pour apprendre, rechercher de l’information, faire des expériences, collecter et analyser des données, produire des documents, communiquer, collaborer, etc. Les possibilités d’usages pédagogiques des ordinateurs, tablettes, smartphones sont si riches qu’il est difficile de les inventorier. L’usage fréquent des outils informatiques dans les classes de notre pays est donc toujours l’exception (6% à 9%, en vert dans le graphique). On conviendra qu’il existe une bonne marge de progression…
Les ordinateurs sont utilisés deux à trois fois moins dans les classes suisses par rapport à la moyenne des pays participants! A l’exception des cours d’informatique et TIC où 40% des élèves les utilisent fréquemment (moins cependant que la moyenne et que la plupart des autres pays). Une question s’impose: que font donc les élèves pendant un cours d’informatique et de TIC s’ils n’utilisent pas un ordinateur?
Pourtant, ce ne sont pas les ordinateurs qui manquent dans nos écoles. Le ratio élève/ordinateur est en Suisse de 7 pour 1. On pourrait souhaiter que chaque élève dispose de son ordinateur personnel, mais c’est une bonne moyenne en comparaison internationale. La Turquie, la Thaïlande, l’Australie obtiennent des résultats significativement meilleurs que la moyenne des pays participants et de la Suisse en particulier. Pourtant le nombre d’élèves par ordinateur est de 80 en Turquie et de 14 en Thaïlande. En Australie, il y a un ordinateur pour 3 élèves. La Thaïlande est le pays où les ordinateurs sont utilisés en classe avec le plus d’intensité, quatre à six fois plus qu’en Suisse dans tous les champs disciplinaires (à l’exception de l’informatique). Cela veut dire par exemple qu’en sciences naturelles, si les élèves sont 7% à les utiliser fréquemment en Suisse, en Thaïlande ils sont 45%. En langue de test (français en Romandie) ils sont respectivement 6% et 36%. Pourtant, selon l’indice de développement économique de la Banque mondiale (PIB par habitant), la Suisse et la Thaïlande occupent respectivement le haut et le milieu du tableau.
Trente ans après le début de l’introduction de micro-ordinateurs dans les écoles, comment cela est-il possible? Ne serait-on pas en droit d’attendre d’un pays hautement industrialisé et riche que les outils informatiques soient utilisés de manière banale dans les écoles?
La maîtrise et l’usage éclairé des technologies numériques, et plus largement des médias, est un enjeu pour notre pays. Dans un récent article, j’ai rappelé l’existence en Suisse d’une fracture numérique que l’école publique devrait aussi contribuer à combler. Elle n’en prend pas le chemin.
Qu’en pensent les acteurs de l’instruction publique, les hommes et les femmes politiques, les acteurs de l’économie, les citoyens et les citoyennes?
(Lire mon article: «La Suisse décide de ne pas tester les compétences numériques et médiatiques des écoliers et des écolières», 8 juillet 2024.
Références
> International Computer and Information Literacy Study – Preparing for Life in a Digital Age, International Association for the Evaluation of Educational Achievement (IEA), 2014.
> Étude internationale sur la compétence informatique et médiatique (ICILS 2013), Suisse First Findings, Consortium icils.ch, 2014.
Modèle pour citer cet article:
Domenjoz J.-C., «Faible utilisation des ordinateurs par les élèves dans les classes suisses», Éducation aux médias et à l’information [en ligne], 10 février 2015, consulté le date. https://educationauxmedias.ch/faible-utilisation-des-ordinateurs-dans-les-classes-suisses
Cet article concerne le domaine Médias, images et technologies de l’information et de la communication (MITIC) – Éducation aux médias et à l’information (EMI) – Media and Information Literacy (MIL) | Éducation numérique | educationauxmedias.ch