L’éducation aux médias et à l’information, instrument de la réalisation des objectifs du développement durable

WSIS 2017 • Dans la perspective de l’Agenda 2030 des Nations unies, l’éducation aux médias et à l’information constitue un des moyens d’atteindre les objectifs du développement durable. Les compétences informationnelles et médiatiques favorisent l’autonomie des individus et leur permettent de prendre une part plus active dans la vie sociale, culturelle, économique et civique de leur lieu de vie. Dans ce domaine essentiel, les besoins sont immenses.

Contribution au workshop «La transformation numérique de l’apprentissage, de l’éducation et de la formation dans la perspective des objectifs de développement durable (ODD)», organisé par The Geneva Learning Foundation dans le cadre du Forum du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) 2017

Le Programme 2030 pour le développement durable des Nations unies constitue le nouveau cadre de la collaboration internationale visant à faire face aux défis de la planète les quinze prochaines années. L’Agenda 2030 constitue un guide d’action pour tous les pays, tant du Sud que du Nord. Ce plan d’action comprend 17 objectifs de développement durable (ODD), au nombre desquels l’éducation de qualité constitue un des moyens primordiaux d’amélioration des conditions de vie des individus et des communautés auxquels ils appartiennent. Ce quatrième objectif du programme vise à «assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et à promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie». Il s’agit d’assurer l’acquisition par tous et par toutes, particulièrement des plus marginalisé-e-s et des plus vulnérables, des compétences de base (lire, écrire, calculer), mais aussi d’acquérir des compétences techniques et professionnelles, ainsi que de donner la possibilité à chacune et à chacun d’apprendre tout au long de leur vie.

Pour ce faire, l’ensemble du système éducatif (préscolaire, primaire, secondaire, tertiaire, professionnel) doit être étendu et amélioré. L’Agenda 2030 (paragraphe 15) reconnaît le grand potentiel des technologies de l’information et de la communication (TIC) et de l’internet pour «accélérer le progrès humain, pour combler le fossé numérique et développer les sociétés du savoir […]».

La connexion aux réseaux de communication qui permettent d’accéder aux sources d’information et de savoir, ainsi que de communiquer, est certes essentielle, mais cependant insuffisante. Il est nécessaire que toute la population acquière des compétences informationnelles et médiatiques permettant d’utiliser de manière critique et responsable des contenus et des moyens toujours plus diversifiés: il faut «promouvoir la maîtrise de l’information et des médias, compétence individuelle indispensable dans le flux croissant d’informations», précise un document du SMSI.

Avec le développement du numérique, de l’internet et des équipements mobiles personnels (téléphone cellulaire, smartphone, tablette), la littératie médiatique est devenue un besoin planétaire, destiné à compléter les savoir-faire de base: lire, écrire, calculer. La littératie médiatique peut être définie comme «l’ensemble des compétences informationnelles, techniques, sociales et psychosociales exercées par un utilisateur, lorsqu’il consomme, produit, explore et organise des médias» (Déclaration de Bruxelles pour une Éducation aux Médias tout au long de la vie).

La capacité à s’orienter parmi une diversité de moyens d’accès à l’information – traditionnels aussi bien que numériques – et à rechercher, à évaluer de manière critique, à s’approprier des contenus et à les communiquer sont constitutifs des processus d’apprentissage. C’est pourquoi, les connaissances et habiletés développées dans le cadre d’un enseignement d’éducation aux médias et à l’information (EMI) sont essentielles.

L’exigence de donner aux individus la possibilité de mettre à jour leurs compétences informationnelles et médiatiques tout au long de leur vie implique d’intégrer l’éducation aux médias et à l’information (EMI) dans le cadre de l’éducation formelle, non-formelle, aussi bien qu’informelle. Pour ce faire, les plans d’action dans ce domaine doivent comporter la nécessaire formation des nombreux partenaires et parties prenantes.

De nombreux organismes ont défini le contenu et les méthodes propices à l’éducation aux médias. L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a développé un cadre théorique complet ainsi que des stratégies d’action et des ressources pour l’avènement de sociétés éduquées aux médias et à l’information.

Les bénéfices que l’on peut attendre de l’éducation aux médias et à l’information (EMI) dans la perspective des objectifs du développement durable (ODD) sont nombreux. La transformation des représentations et des comportements relatifs à l’alimentation (objectif 2), à la santé et au bien-être (objectif 3), à l’égalité entre les sexes (objectif 4) bénéficieront particulièrement d’un enseignement d’éducation aux médias et à l’information réalisé «en situation» – learning by doing – à l’école, au travail ou intégré à des activités de loisirs. Un tel enseignement permettra de renforcer l’autonomisation des individus, favorisant ainsi leur implication dans la vie sociale, culturelle, économique et civique de leur lieu de vie.

En effet, la capacité à penser par soi-même et le développement de l’esprit critique sont au coeur de la mutation vers une société de la connaissance. Il s’agit de comprendre les limites de tout contenu informatif et de prendre conscience de l’importance du contexte (social, politique et économique) dans lequel les messages sont élaborés et diffusés. De simples questions élémentaires permettent de stimuler la réflexion et d’engager la discussion. Qui est à l’origine de cette information? Quels moyens formels sont employés pour retenir mon attention? Le message véhicule-t-il des stéréotypes? Dans quelle intention?

Les moyens permettant d’influencer autrui sont innombrables. Par exemple, mobiliser des arguments, gagner la confiance, jouer sur les émotions. Les procédés enseignés par les maîtres de rhétorique restent d’actualité dans un monde où la communication se déroule toujours plus sous forme médiatisée. Cependant, les voies permettant d’exercer une influence sur l’opinion publique se sont considérablement diversifiées. Du chat entre amis au tweet, de l’article scientifique à la vidéo déposée sur Youtube, quel que soit le support, c’est par l’information que nous formons nos représentations, nos opinions, notre disposition d’esprit à l’égard d’autrui ou d’une chose, que nous prenons des décisions et orientons notre action. Il importe donc à l’ensemble de la population de savoir repérer les logiques marchandes et idéologiques de tout type de contenu pour ne pas être trompé.

Cependant, la mise en oeuvre des plans d’éducation aux médias et à l’information, lorsqu’ils existent, peinent à être effectivement mis en oeuvre, même dans les sociétés qui bénéficient d’un haut niveau de développement et d’éducation. (par exemple en Suisse: La littératie médiatique et numérique, enjeu majeur pour notre société).

Dans ce domaine essentiel, les besoins sont immenses. Sur le terrain, presque tout reste à faire. La coopération entre des partenaires de tous les continents doit être intensifiée et développée pour que les conditions de l’accès au savoir bénéficient effectivement aux objectifs du développement durable.

Vu son importance essentielle, l’éducation aux médias et à l’information aurait dû prendre place dans les priorités du Programme 2030 pour le développement durable des Nations unies. L’Agenda 2030 reconnaît bien le potentiel des TIC pour le développement durable, mais ne mentionne pas le besoin de compétences spécifiques nécessaires pour employer les technologies numériques de manière appropriée.

(Lire mon article: «Esquisse d’un concept d’éducation aux médias en vue de la réalisation des objectifs du développement durable», 26 mai 2020.)


Références
> Transforming our world: the 2030 Agenda for Sustainable Development, Department of Economic et Social Affairs, United Nations.
> Agenda 2030 de développement durable, Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), Confédération suisse.
https://www.eda.admin.ch/agenda2030/fr/home.html
> Déclaration finale – Accès pour tous à l’information et au savoir: une vision élargie et un engagement renouvelé, Vers des sociétés du savoir pour la paix et le développement durable, Première réunion d’examen SMSI+10, UNESCO, 2013.
> Déclaration de Bruxelles pour une Éducation aux Médias tout au long de la vie, Conseil supérieur de l’éducation aux médias (CSEM), 2011.
> Communication et information, L’éducation aux médias et à l’information, UNESCO.
> Jagtar Singh, Alton Grizzle, Sin Joan Yee, and Sherri Hope Culver (Eds.). Media and Information Literacy for the Sustainable Development Goals. (MILID Yearbook 2015). Goteborg: NORDICOM, 2015.
https://milunesco.unaoc.org/wp-content/uploads/2015/07/milid_yearbook_20151.pdf
Les sites et documents ont été consultés le 8 juin 2017.


Modèle pour citer cet article:
Domenjoz J.-C., «L’éducation aux médias et à l’information, instrument de la réalisation des objectifs du développement durable», Éducation aux médias et à l’information [en ligne], 8 juin 2017, consulté le date. https://educationauxmedias.ch/education-aux-medias-instrument-developpement-durable


Cet article concerne le domaine Médias, images et technologies de l’information et de la communication (MITIC) – Éducation aux médias et à l’information (EMI) – Media and Information Literacy (MIL) | Éducation numérique | educationauxmedias.ch

Auteur/autrice : Jean-Claude Domenjoz

Expert de communication visuelle et d’éducation aux médias