Les journalistes en classe, quelles perspectives pour l’éducation aux médias?

Depuis la création de la Radio-télévision éducative en 1977 puis la mise sur pied chaque année de la Semaine des médias à l’école en 2004, les professionnel-le-s des médias de Suisse romande contribuent à initier les élèves au rôle de la presse dans notre société. Alors que de nouveaux projets de participation des journalistes sont envisagés par les autorités scolaires pour éduquer aux médias, il faut se demander quelles sont les modalités d’actions éducatives susceptibles de toucher efficacement tous les élèves.

Jamais l’esprit critique vis-à-vis des médias et des productions des industries culturelles n’a été un enjeu aussi fondamental pour notre société. L’acquisition de compétences médiatiques et informationnelles par toute la population (littératie médiatique) est un enjeu existentiel pour la démocratie. C’est évidemment à l’école, dès le plus jeune âge, que cet apprentissage méthodique doit commencer.

Les professionnel-le-s des médias d’information, en particulier les journalistes, peuvent contribuer à sensibiliser les élèves et le corps enseignant au rôle de la presse et partager leurs savoir-faire.

L’école obligatoire a pour mission de donner à chaque élève les moyens d’assurer son développement en visant à corriger les inégalités de réussite scolaire. Les moyens mis en oeuvre pour faire bénéficier la population scolaire des compétences des professionnel-le-s des médias doivent donc être appropriés en vue d’atteindre cette finalité.

Quelles sont les modalités d’action les plus adaptées pour faire bénéficier l’école du savoir et de l’expérience des professionnel-le-s des médias? Nous avons cherché à en inventorier les possibilités, en distinguant les interventions qui mettent directement en contact les professionnel-le-s et les élèves, des émissions et contenus qui incorporent leurs connaissances.

Nature des actions de formation des professionnel-le-s des médias dans le système éducatif

Les professionnel-le-s des médias peuvent être appelé-e-s à intervenir directement dans les établissements scolaires en donnant des conférences, en animant des ateliers ou en accueillant des élèves ou des groupes d’enseignant-e-s dans leurs entreprises, par exemple pour visiter les studios, assister à la réalisation en direct d’une émission ou à la séance de rédaction d’un quotidien. Certaines prestations des journalistes en classe ont été réalisées à distance en mode téléconférence pendant la pandémie de Covid-19. Plutôt que de tenir le rôle de transmetteur d’un savoir, les journalistes peuvent aussi être appelé-e-s à accompagner un projet de production médiatique d’une classe ou d’un établissement, par exemple la réalisation d’un programme de radio ou de télévision, la création d’un journal de classe ou d’un blog ou encore la production de contenus pour un compte scolaire de réseau social. Aujourd’hui cependant c’est très rarement que des professionnel-le-s des médias soient appelés-e-s à jouer le rôle de coach dans le système scolaire romand.

Typologie des modalités d’actions éducatives et de formation des professionnel-le-s des médias dans le système éducatif

Outre les activités qui mettent directement en contact les professionnel-le-s des médias et les apprenant-e-s, les connaissances et les conseils dispensés peuvent être incorporés dans des produits culturels. Par exemple, des films de présentation de leur profession, des reportages sur la vie des médias, des programmes éducatifs. Les professionnel-le-s des médias peuvent aussi être appelé-e-s à participer à l’élaboration de ressources pédagogiques de toute nature, par exemple des manuels scolaires, des jeux, des podcasts audio ou vidéo, des cours en ligne, etc. Ces documents et applications, possiblement encapsulés dans des environnements d’apprentissage, peuvent aussi bien être utilisés en classe par le corps enseignant que téléchargés par les élèves sur leur smartphone ou leur tablette leur permettant ainsi d’apprendre, hors des murs de l’école, partout et à tout moment. Bien que rares aujourd’hui, les contributions des journalistes à la formation des élèves et du corps enseignant pourraient s’inscrire dans une logique de flux et être incorporées dans des fils d’actualité, des émissions radio/tv, des publications en série (quotidien, blog), etc.

Le choix du mode de communication a, cela va de soi, une grande incidence sur l’audience potentielle des actions de formation. Si la rencontre avec les professionnel-le-s des médias est très prisée, le nombre d’élèves et de membres du corps enseignant qui peuvent en bénéficier est cependant très limité pratiquement. A l’inverse de la communication directe, la médiatisation, c’est-à-dire la scénarisation des contenus d’enseignement dans un dispositif médiatique, est susceptible de toucher une très grande audience potentielle.

les projets éducatifs qui reposent sur la communication directe avec des journalistes n’ont touché qu’une petite partie des élèves

Pour mieux appréhender les actions éducatives en cours en Suisse romande, il vaut la peine d’esquisser le contexte historique des relations entre les institutions scolaires et les entreprises médiatiques.

Collaboration des institutions scolaires et de l’audiovisuel de service public

Dès leur invention, les procédés de radiodiffusion, la radio puis la télévision, donc la médiatisation des contenus, ont suscité l’intérêt des pédagogues. Dans les années cinquante, la télévision apparaît comme un média de masse susceptible de révolutionner les méthodes pédagogiques. L’emploi de moyens audiovisuels à l’école suscite un grand engouement.

Il y a près d’un demi-siècle déjà que les institutions scolaires et les médias de l’audiovisuel public de Suisse romande ont instauré leur collaboration dans le domaine de l’éducation aux médias et à l’information. C’est en 1977, que la Radio Télévision suisse romande (RTSR) et les départements de l’instruction publique, ont créé la Radio-télévision éducative. Depuis une décennie déjà (1967), un cours de critique de l’information avait été introduit au Cycle d’orientation à Genève.

La télévision éducative, destinée en priorité aux enfants et aux adolescent-e-s, visait deux objectifs prioritaires, la meilleure compréhension des contenus télévisuels d’actualité et l’initiation aux mass-média. Cet enseignement reposait sur le visionnement en classe de programmes enregistrés sur magnétoscope. Aux enseignant-e-s il appartenait de «stimuler la curiosité et le désir de répondre aux incitations venues de l’émission». Des activités complémentaires, telles que la recherche d’autres documents et la réalisation de productions audiovisuelles par les élèves, étaient encouragées.

La télévision, ce sont des images et des sons. Pour accompagner les élèves dans la lecture et l’interprétation des émissions d’actualité, les enseignant-e-s avaient besoin de compétences spécifiques. On ne parlait pas encore alors d’«éducation aux médias», mais si le contexte médiatique s’est profondément transformé, les finalités éducatives visées n’ont guère évolué. En 1983, Maurice Wenger, commissaire cantonal responsable du centre cantonal genevois des moyens audio-visuels (SMAV), a mis en évidence le bilan insatisfaisant de la radio-télévision éducative (CO Parents, avril-mai 1983). Il relevait qu’un tel enseignement d’initiation aux mass-media nécessitait une plage horaire dans le cursus éducatif et une formation spécifique des enseignant-e-s «peu habilité-e-s à dégager les messages iconiques et acoustiques des messages verbaux, plus répandus». Déjà à cette époque, le manque de compétences du corps enseignant pour décoder les images et les discours audiovisuels avec leur élèves était relevé comme un obstacle majeur à l’éducation aux médias et à l’information.

Il faudra attendre le tournant du siècle pour que l’on assiste à de nouveaux développements de la collaboration entre les institutions scolaires et l’audiovisuel de service public en Suisse romande. C’est en effet en l’an 2000 que la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) et la Radio télévision suisse (RTS) ont formalisé leur collaboration dans une convention. Les prestations de la RTS devaient porter sur la production et la diffusion de programmes éducatifs, l’organisation de visites de ses studios par des classes ou des enseignant-e-s en formation et la participation de ses professionnel-le-s à des actions de formation. De son côté, la CIIP s’engageait à inscrire l’éducation aux médias dans le plan d’études cadre romand de la scolarité obligatoire ainsi qu’à favoriser son développement dans la formation initiale et continue du corps enseignant. Dans la convention renouvelée en 2010, la CIIP s’engageait aussi à développer et encourager l’éducation aux médias à travers son unité «Médias et nouvelles technologies de l’information et de la communication» ainsi qu’à soutenir l’usage en classe des productions des médias de l’audiovisuel public et la participation de leurs professionnel-le-s à des actions de formation dans les écoles.

L’éducation aux médias dans le Plan d’études romand

Concrétisation des engagements de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) mentionnés dans la convention signée en l’an 2000, l’éducation aux médias fait partie intégrante du Plan d’études romand (PER) publié en 2011. Dès la rentrée 2013 (après un déploiement progressif depuis 2011) l’ensemble du corps enseignant est censé enseigner, de la 1re à la 11e année, des aspects d’éducation aux médias et aux images, ainsi que d’encadrer l’utilisation par les élèves des outils multimédias en classe. Au coeur du programme, le développement progressif de l’esprit critique des enfants et leur capacité à décoder la mise en scène des contenus médiatiques. En mars 2021, le PER a été révisé pour intégrer la culture informatique dans le cursus des études. Le nouveau domaine disciplinaire, nommé Education numérique, comprend trois dimensions: l’éducation aux médias, les usages des outils numériques et la science informatique qui ont pour finalité la «culture et citoyenneté numériques» des élèves de la scolarité obligatoire. En outre, il a été décidé d’étendre cet enseignement à toutes les filières du secondaire II, tant de la formation générale que de la formation professionnelle initiale.

Concrétisation de la convention qui les lie, les médias de l’audiovisuel public peuvent donc être appelés à contribuer au développement des compétences médiatiques des élèves par l’usage dans le cadre scolaire de leurs productions ainsi que par des actions pédagogiques de leurs collaborateurs et collaboratrices.

La Semaine des médias à l’école

En 2004, la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) a mis sur pied la première Semaine des médias à l’école en Suisse romande à l’intention des élèves de la scolarité obligatoire et des classes du secondaire II. Depuis, cette manifestation a été organisée chaque année (sauf en 2017-2018). Cette semaine thématique permet au corps enseignant, sur la base du volontariat, de sensibiliser les élèves au travail des journalistes ainsi que de développer les compétences médiatiques définies dans le Plan d’études romand.

La Semaine des médias à l’école bénéficie de la participation de nombreux médias romands et de l’appui de l’association des éditeurs de presse écrite de Suisse romande Médias suisses, ainsi que de la collaboration de la Radio télévision suisse (RTS) et de chaînes privées de télévision régionale. La Semaine des médias à l’école offre en particulier au corps enseignant la possibilité d’inviter des professionnel-le-s des médias dans leur classe ainsi que d’effectuer des visites de rédaction et de studios de radio et de télévision.

La rencontre avec des professionnel-le-s des médias (journaliste, dessinateur/dessinatrice de presse, réalisateur/réalisatrice, etc.) est une grande opportunité pour les élèves et le corps enseignant de mieux connaître leur travail et d’apprendre de leur pratique. Cependant, seule une très petite partie des élèves romands sont concerné-e-s. Chaque année (avant Covid), une cinquantaine de classes environ ont bénéficié de cette opportunité, sur les près de 5000 classes du secondaire I et II de Suisse romande (2020-2021).

(Pour aller plus loin, lire mon article: «Quelle place pour l’éducation aux médias dans les médias de Suisse romande?», 21 février 2022. Une section est consacrée à une synthèse des activités et réalisations de la Radio télévision Suisse (RTS) ainsi que de la Semaine des médias à l’école en Suisse romande.)

Trois projets jugés à haut potentiel pour l’éducation aux médias

Dans le but d’étendre sa collaboration avec les entreprises de médias romands, la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) s’est approchée du Forum des médias romands.

Le Forum des médias romands a été fondé en septembre 2018 par d’importantes entreprises médiatiques et associations professionnelles des médias: Médias Suisses (éditeurs de presse écrite), la Radio télévision suisse (RTS), les Radios régionales romandes, le Groupement des télévisions régionales romandes, Ringier Axel Springer Schweiz et Communication Suisse (association faitière de la publicité et de la communication). Le Forum des médias romands a pour objectif d’élaborer une vision à long terme pour les médias romands en matière de contenus, d’innovation, de formation et de recherche, ainsi que de proposer une plateforme d’échanges, en organisant notamment un colloque.

Lors de la troisième édition du colloque du Forum des médias romands qui eu lieu à Lausanne le 1er septembre 2022, la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) a présenté trois projets jugés à haut potentiel. Un projet porté par la Radio télévision suisse (ateliers fake news), un par l’éditeur Tamedia (support pédagogique) et un par la HEP Vaud (Radiobus).

1. Les ateliers fake news de la Radio télévision suisse (RTS)
Les ateliers fake news, d’une durée de 1 heure 30 (2 périodes), destinés aux élèves du Cycle d’orientation et du secondaire II, animés par des journalistes expérimenté-e-s, ont pour but de sensibiliser les jeunes au phénomène des fausses nouvelles et de contribuer à développer leur attitude critique vis-à-vis de l’information. Des conseils pratiques leur sont donnés pour vérifier l’authenticité d’une information (photo, vidéo, site Internet) et acquérir de bons réflexes. Une capsule vidéo de 8 minutes, excellente à tous égards, a été produite à cette intention. En préambule à l’atelier, les élèves sont invité-e-s à rechercher des images ou des vidéos qui sont à leur avis des fake news et à présenter les indices sur lesquels ils s’appuient. Puis, sous forme de jeu, en présence des journalistes, toute la classe est mise à contribution pour déterminer si les documents proposés par les élèves sont des fake news.

Ces ateliers élaborés par la RTS sont proposés depuis 2021 aux écoles. D’ici à la fin de l’année 2022, 27 classes des cantons de Genève, Vaud et Fribourg devraient avoir pris part à ces ateliers, ce qui est plutôt modeste sachant qu’il y a environ 3800 classes de secondaire I et II dans ces trois cantons.

Les ateliers de l’Association de la presse valaisanne (APVs)
Lors du Forum des médias, la représentante de la RTS a présenté brièvement les ateliers mis sur pied en Valais par l’Association de la presse valaisanne (APVs) à l’occasion son centenaire, en collaboration avec le service de l’enseignement du canton. Ces ateliers ont pour but, comme ceux de la RTS, de fournir aux élèves des moyens simples pour débusquer les fake news. L’atelier se déroule en deux temps, d’abord des notions de base sont dispensées par l’enseignant-e, puis des exemples et des démonstrations sont proposées par les journalistes.

Ce projet de sensibilisation, lancé en 2019, a duré deux ans. Environ 150 classes de 10e Harmos du Valais romand y ont participé. Pendant les deux années du projet, le tiers des élèves qui ont fréquenté le Cycle d’orientation valaisan ont donc pu bénéficier de ces ateliers.

La Radio télévision suisse (RTS) et la l’Association de la presse valaisanne (APVs) ont l’intention de collaborer pour étendre le dispositif des ateliers de la RTS à toute la Suisse romande et prévoient de mettre à disposition la brochure valaisanne dans toute les classes.

2. Création d’un support pédagogique (Tamedia)
Ce projet a pour but de mettre à disposition du corps enseignant et des élèves de 11 à 15 ans un ensemble de ressources pédagogiques pour présenter le travail de traitement de l’information qui est au coeur de l’activité des médias d’information. Un groupe de travail a commencé à y réfléchir. Le contenu comportera un tronc commun sur le métier de journaliste, complété par des modules spécifiques aux différents supports médiatiques.

Des éléments des brochures éditées par les quotidiens La Liberté («Le journal à l’école») et La Tribune de Genève («Bienvenue dans un journal multimédia!»), ainsi que le fascicule «La presse et l’actualité» éditée par la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP) et Médias Suisses (Corinne Chuard et Louiza Becquelin, Editions Loisirs et pédagogie) serviront de base à la nouvelle publication. Cet ensemble de contenus pédagogiques sera mis à disposition sous forme numérique et accessible en ligne.

3. La réalisation et la diffusion d’émissions de radio (Radiobus)
Le Radiobus est un concept de radio en milieu scolaire développé par la Haute école pédagogique du canton de Vaud en partenariat (dès 2006) avec la Direction générale de l’enseignement obligatoire du canton de Vaud (DGEO). Il permet de pratiquer un média en impliquant les élèves dans une situation réelle, la production d’une émission radiophonique effectivement diffusée en direct sur la bande FM, en DAB+ ou sur l’internet. Les émissions peuvent également être téléchargées (podcast). C’est une expérience pratique qui fait sens pour les élèves et qui permet de développer un large éventail d’habiletés disciplinaires et transversales du Plan d’étude romand (PER).

Monter un projet d’émission radiophonique nécessite la participation de plusieurs classes dans le cadre d’un projet d’établissement. Celui-ci se déroule sur une année scolaire dans le but d’assurer la diffusion en direct sur la bande FM ou DAB+ de plusieurs heures d’émission réparties sur 2 à 3 jours depuis le studio installé dans le bus. Le Radiobus et son équipe viennent passer une semaine dans chaque établissement cinq fois dans l’année pour développer le projet auquel participent plusieurs classes qui préparent, par groupe de 3 à 4 élèves, une à deux heures d’émission qui seront diffusées en direct. D’autres classes du même établissement associées au projet produisent des éléments préenregistrés qui seront intégrés aux émissions.

De petits studios radio (Radiobox) sont aussi mis à disposition. Ce matériel est installé dans des classes pour une longue période et permet d’élaborer des émissions qui sont diffusées en streaming sur la webradio, sous forme de podcast ou lors d’émissions en direct du Radiobus. Les Radiobox sont disponibles en prêt dans les cantons suivants: Vaud 69, Valais 7, Fribourg 6 et Genève 1.

Dans le canton de Vaud, pendant l’année scolaire 2021-2022 (les activités ont été partiellement affectées par le Covid) 71 classes de la 7e à la 11e Harmos ont participé à la production et diffusion d’émission du Radiobus, tandis que 62 Radiobox étaient empruntées. 32 box ont été utilisées dans le cadre de projets de classe, 9 pour préparer des directs du Radiobus, 16 n’ont pas produit d’émissions pour être diffusées, tandis que 5 box ont tourné dans 12 classes du secondaire II. Les deux dernières box étant utilisées pour la formation initiale et continue du corps enseignant à la HEP.

Le canton de Vaud est le plus concerné par des projets de production d’émissions de radio dans le cadre de ce projet. Plus de 120 classes ont réalisé des émissions de radio en 2021-2022 dans le canton de Vaud parmi les 2000 classes vaudoises de la 7e à la 11e Harmos.

(Pour aller plus loin, lire mon article: «RadioBus, les écoles font de la radio», 21 mai 2016.)

Médiatisation des savoirs et projets de médias d’élèves ont un grand potentiel éducatif

Au terme de ce parcours, on peut constater que les projets éducatifs qui reposent sur la communication directe avec des professionnel-le-s des médias n’ont permis jusqu’alors de toucher qu’une petite partie des élèves de l’école obligatoire de Suisse romande. Les rencontres avec des professionnel-le-s des médias organisées dans le cadre de la Semaine des médias à l’école, les ateliers «fake news» de la Radio télévision suisse (RTS) et du projet exceptionnel de l’Association de la presse valaisanne (APVs) n’ont touché que quelques dizaines de classe.

Si l’on voulait toucher tous les élèves de 10 à 15 ans (7e à 11e Harmos) de Suisse romande répartis dans plus de 5300 classes, en tenant compte du fait que chaque année plus de 1000 classes nouvelles sont concernées, il faudrait considérablement accroitre le concours des journalistes. Bien que la CIIP et le Forum des médias romands aient déclaré vouloir développer leur collaboration dans ce domaine, cela paraît un objectif tout-à-fait hors de portée. Le risque est grand que ces actions éducatives ponctuelles de grande valeur servent plus à promouvoir l’image des organismes concernés que leurs bénéficiaires potentiels. Or l’égalité et l’équité sont au coeur des finalités de l’école publique. Par ailleurs, le caractère ponctuel et la thématique limitée des ateliers et des rencontres avec les professionnel-le-s des médias ne sont pas de nature à permettre la construction progressive et méthodique des connaissances, des compétences et de l’attitude des élèves vis-à-vis des médias.

C’est pourquoi, il nous semble qu’il faudrait faire porter la réflexion principalement sur la médiatisation des connaissances et savoir-faire des professionnel-le-s des médias ainsi que sur l’accompagnement de projets de production médiatique réalisés par les élèves. Lesquels passent par la formation du corps enseignant. A cet égard, les compétences acquises par l’équipe du Radiobus de la HEP Vaud seraient très précieuses pour développer à large échelle des projets de médias de toute nature réalisés dans le cadre scolaire par les élèves.

Du succès de ces actions éducatives dépend aussi l’avenir des médias d’information dont l’audience auprès des jeunes est en baisse continue.


Références
> Maurice Wenger, La télévision éducative romande, dans CO Parents, numéro 97, Télévision et enseignement, avril-mai 1983.
> Convention entre la RTS d’une part, la CIIP d’autre part, relative à leur collaboration en matière d’éducation et de formation du 17 septembre 2010, Radio télévision suisse (RTS), Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP).
> Conférence intercantonale de l’Instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP), Plan d’études romand, Education numérique, brochure, 2021.
> Christian Georges, Semaine des médias à l’école en Suisse romande – Bilan 2021, Secrétariat général de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP).
> Forum des médias romands.
> Comment repérer et stopper les fake news? Ateliers, RTS Avec vous, Radio Télévision Suisse (RTS), 2021-2022.
> Grégoire Baur, En Valais, la lutte contre le fléau des «fake news», Le Temps, 5 décembre 2019.
> RadioBus, Haute Ecole Pédagogique du Canton de Vaud.
Les sites et documents ont été consultés le 29 septembre 2022


Modèle pour citer cet article:
Domenjoz J.-C., «Les journalistes en classe, quelles perspectives pour l’éducation aux médias?», Éducation aux médias et à l’information [en ligne], 29 septembre 2022, consulté le date. https://educationauxmedias.ch/les-journalistes-en-classe-quelles-perspectives-pour-education-aux-medias


Cet article concerne le domaine Médias, images et technologies de l’information et de la communication (MITIC) – Éducation aux médias et à l’information (EMI) – Media and Information Literacy (MIL) | Éducation numérique | educationauxmedias.ch

Auteur/autrice : Jean-Claude Domenjoz

Expert de communication visuelle et d’éducation aux médias