Le développement formidable de l’usage des médias sociaux et des applications du web social permet d’envisager des formes innovantes d’actions socio-éducatives. De nouveaux modèles d’éducation non formelle peuvent être utilisés par les organismes d’animation socioculturelle. Très rares aujourd’hui en Suisse romande, les médias communautaires de proximité gérés par des jeunes dans les centres de loisirs sont riches de potentialités pour communiquer et apprendre.
Article publié initialement dans mon blog «Education et médias» (portail de L’Hebdo) le 23 janvier 2017. Cette chronique a été publiée dans L’Hebdo du 26 janvier 2017.
Pour faire face à l’évolution technologique, sociale et économique rapide et constante de la société, nombreuses sont les voix qui recommandent de mettre en place les conditions permettant de favoriser les apprentissages dans toutes les situations et à tout âge. Le Conseil de l’Europe préconise de renforcer la formation prodiguée dans le cadre de l’éducation formelle (école, formation professionnelle, université) par des mesures d’éducation non formelle. Typiquement, les activités extrascolaires proposées aux jeunes par les centres de loisirs, les maisons de quartier et les associations de jeunesse relèvent de l’éducation non formelle. Dans ces espaces de socialisation, l’apprentissage non formel et informel (entre pairs) est encouragé et valorisé par des pratiques très diversifiées d’animation socioculturelle pour tous les publics. Il s’agit notamment, à travers des processus impliquant la participation active des personnes qui y prennent part, de promouvoir la citoyenneté active, un accès à des formes diversifiées de culture et ce faisant de prévenir toutes les formes d’exclusion. Le Conseil de l’Europe recommande d’appliquer les nouvelles technologies de l’information à l’éducation non formelle et encourage les expériences novatrices.
Les nouveaux moyens de communiquer, de s’informer et de produire des contenus rendus possibles par la diffusion des appareils personnels connectés (smartphone, tablette) pourraient être très utiles pour réaliser des activités d’éducation non formelle dans les organismes d’animation socioculturelle. Le développement formidable des médias sociaux (Facebook,Twitter) et des applications de web social (blogues, wiki) permettent d’envisager de nouvelles formes d’interventions socio-éducatives, ainsi que le développement de démarches associatives novatrices. La participation active, la collaboration et les échanges pourraient être renforcés dans les milieux de l’animation jeunesse par de nouveaux usages qui sont encore en grande partie à explorer.
Mais qu’en est-il en Suisse romande? Les organismes d’animation socioculturelle intègrent-ils déjà les médias socionumériques comme moyens complémentaires à leur action? Existe-t-il en Suisse romande des «médias communautaires de proximité» dont le contenu est réalisé par des jeunes pour des jeunes (supervisés par des animateurs et des animatrices) dans les centres de loisirs et les maisons de quartier? L’enquête que j’ai effectuée auprès d’une sélection d’organismes d’animation socioculturelle de Suisse romande a révélé que les projets impliquant des médias numériques gérés par des adolescent-e-s ou de jeunes adultes sont extrêmement rares dans ces milieux. Un seul projet m’a été signalé, une web radio dont le contenu est réalisé en partenariat avec une école. Le potentiel de développement est donc immense.
La mise en oeuvre de projets impliquant des médias socionumériques, outre de mobiliser les jeunes du centre, permettrait aux animateurs et animatrices socioculturel-le-s de développer à travers cette expérience nouvelle des compétences relatives au développement et à la gestion de projets de communication, aussi bien que des connaissances de base dans le domaine de l’éducation aux médias. Il faudrait sans doute prévoir une formation spécifique et un accompagnement en la matière. La mise en réseau des participant-e-s permettrait de capitaliser et de diffuser idées, réflexions et savoirs d’expérience ainsi que de favoriser les échanges.
Les formes que peuvent prendre l’usage de médias socionumériques dans des collectivités sont évidemment très variées. Ce nouvel espace de possibles qui s’ouvre à l’exploration est encore largement terra incognita.
Il me semble, qu’un projet consistant à récolter, mettre en forme et diffuser de l’information pourrait procurer une expérience particulièrement riche et motivante. Par exemple, publier des informations sur l’actualité culturelle régionale susceptible d’intéresser les jeunes (cultures jeunes): arts urbains, arts visuels, cinéma, bande dessinées, musique, danse, mode, création poétique, etc. pourrait être très utile à la communauté régionale et susceptible de soutenir une dynamique d’échanges. Les contenus pourraient être traitées sous forme de brefs textes, par des images (photographie, dessin) ou/et par des vidéos réalisées par les jeunes. Il s’agirait de produire et de gérer un flux régulier de nouvelles tout au long de l’année. Le travail serait encadré par un animateur ou une animatrice socioculturel-le qui aurait développé ses compétences en matière d’éducation aux médias. Évidemment, le projet devrait être co-construit avec les jeunes, de sorte à ce qu’ils/elles puissent s’approprier le projet. Cette phase initiale constituerait un moment de formation qui pourrait permettre que de nouveaux membres soient initié-e-s par les jeunes déjà impliqué-e-s dans le projet (formation par les pairs). La discussion de l’actualité à traiter, la préparation et la publication des nouvelles seraient réalisées sous forme d’un atelier «conférence de rédaction» qui réunirait toute l’équipe régulièrement. Concrètement, le média pourrait prendre la forme d’une simple page Facebook ou d’un fil Twitter. Mais une riche panoplie de moyens peuvent être envisagés allant du traditionnel blog, à la diffusion télévisuelle ou radiophonique en direct sur le web (lire mon article «RadioBus, les écoles font de la radio»), en passant par une chaîne Youtube.
A travers la production et la diffusion d’informations en ligne, tâches authentiques et motivantes, ces jeunes développeraient les attitudes et les compétences leur permettant de prendre une part plus active dans la vie sociale, culturelle, économique et civique de leur lieu de vie.
Une foison de projets proposés à d’autres populations, de tous milieux et de tous âges, pourraient prendre exemple sur ce modèle.
(Lire aussi: «Médias communautaires: pouvoir d’agir et développement de compétences médiatiques», 12 mars 2019.)
Références
> Education non formelle, Recommandation 1437, Texte adopté par l’Assemblée le 24 janvier 2000, Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
> Joëlle Libois, Ulrike Armbruster Elafiti, Etienne Rouget, Danièle Warynski, Roland Junod, Mathieu Menghini, Déclaration pour l’animation socioculturelle: Affirmer une continuité historique et affronter les défis actuels, Plateforme romande de l’animation, 2011.
Modèle pour citer cet article:
Domenjoz J.-C., «Centres de loisirs: des médias gérés par les jeunes?», Éducation aux médias et à l’information [en ligne], 23 janvier 2017, consulté le date. https://educationauxmedias.ch/centres-de-loisirs-des-medias-geres-par-les-jeunes
Cet article concerne le domaine Médias, images et technologies de l’information et de la communication (MITIC) – Éducation aux médias et à l’information (EMI) – Media and Information Literacy (MIL) | Éducation numérique | educationauxmedias.ch