Des usages pédagogiques du smartphone en classe

A l’image d’un couteau suisse, les élèves ont en poche une boîte à outils, leur smartphone. Les milliers d’applications des mobiles représentent autant de moyens pour apprendre. Il est temps de faire sortir cet instrument polyvalent des sacs des élèves pour l’utiliser en classe.

Article de commande publié initialement dans L’Hebdo du 2 avril 2015.

Les possibilités d’usages pédagogiques du smartphone sont si riches qu’il est impossible de les inventorier. On peut l’utiliser pour apprendre, rechercher de l’information, faire des expériences scientifiques, prendre des notes, communiquer, collaborer, etc. Des milliers d’applications (apps) peuvent être téléchargées à peu de frais ou gratuitement. Un bon nombre de ces applications sont des produits culturels destinés spécifiquement à l’enseignement et à l’apprentissage. Les apps qui n’ont pas été prévues pour l’enseignement peuvent par ailleurs être détournées pour en faire un usage pédagogique.

Dans tous les cas, les modalités de l’usage du smartphone en classe ou en lien avec l’école (faire ses devoirs) devra être bien défini par l’enseignant-e. Un «scénario pédagogique» pourra spécifier les objectifs et les modalités liées à l’activité formative.

La richesse des possibilités d’usages pédagogiques du smartphone donne le tournis… C’est un véritable «couteau suisse» numérique. A-t-on idée de tout ce que l’on peut faire en classe avec ce puissant outil multifonction doté de capteurs, d’appareils d’enregistrement (image, film, son) et de milliers d’applications? Sa principale limite est peut-être son écran de petite taille.

Nous allons donc tenter de présenter quelques possibilités concrètes d’usages classées par type d’utilisation. Nous ne traitons pas ici des problèmes techniques, de sécurité ou encore de gestion de la classe. Il s’agit de faire un rapide tour d’horizon, non de fournir un manuel d’usage.

Prendre des notes. A tout moment, en tous lieux, l’élève équipé-e de son smartphone a la possibilité de prendre des notes dans son carnet numérique, une application de base. Cette prise de notes peut se faire sous forme de texte, cela va de soi, mais aussi de photographies, de films et d’enregistrements sonores. L’élève peut accéder à ces informations partout, car il est possible de les stocker sur un serveur distant (le fameux nuage, ou cloud) dans des carnets accessibles à partir de tous les appareils choisis pour être synchronisés, l’ordinateur familial par exemple. Ainsi, l’élève pourra garder une copie des consignes écrites au tableau par son enseignant-e, d’une démonstration en cours de math, ou encore copier le graphique et les notes élaborées lors d’un travail avec des camarades de classe, enregistrer sur le chemin de l’école des questions ou des idées pour une rédaction, etc. Cette pratique oblige l’élève à sélectionner les informations capitales à conserver pour une utilisation future, à classer ses notes et à apprendre à gérer son temps au mieux.

S’informer. Avoir un smartphone à portée de main permet d’accéder à des dictionnaires, à des encyclopédies, à des atlas stockés dans son appareil de manière aisée en cas de besoin. Des volumes si lourds qu’il serait impossible de les emporter dans son cartable. Rechercher une définition, une formule mathématique, une traduction avec des exemples, consulter une carte et, si nécessaire, garder traces des informations dans son carnet de notes. Au cas où les renseignements recherchés ne se trouvent pas dans ses dictionnaires, l’écolier ou l’écolière pourra accéder à des sites enregistrés dans son répertoire de signets, voire encore consulter Wikipedia ou effectuer une recherche au moyen d’un moteur de recherche.

Augmenter la réalité. Aujourd’hui une manière simple d’apporter des informations dans un contexte pédagogique ou non consiste à associer des ressources, par exemple des contenus multimédias, à des supports physiques par le moyen d’un code barre à deux dimensions ou code QR (Quick Response Code). Dans le cadre scolaire, un code barre QR photographié permet à l’élève d’accéder à une page web ou à document sélectionné ou élaboré par son enseignant-e. Une simple pression sur le bouton déclencheur de l’appareil photo de son smartphone et le document s’affiche sur l’écran. Par exemple, un graphique, un tutoriel, un corrigé, une démonstration filmée, une bibliographie, etc. Fantastique, non?! Ici encore, l’élève pourra transférer des informations dans son carnet de notes ou enregistrer le document dans sa bibliothèque pour l’étudier plus tard. De nombreux musées et institutions culturelles utilisent déjà ces moyens pour enrichir la visite du public.

Apprendre. Les moyens et les manières d’apprendre sont infinies. La richesse des possibilités et la disponibilité des outils et ressources partout et à tout moment est un des facteurs essentiels permettant de progresser dans ses connaissances et apprentissages. Par exemple, en s’exerçant à restituer du vocabulaire, à utiliser des locutions de langue étrangère, à calculer mentalement, à résoudre des problèmes, etc. par le moyen de programmes interactifs permettant l’auto-contrôle par l’élève de ses apprentissages (didacticiel). Des apps pour apprendre, il y en a foison. Dès lors, il est important que les institutions scolaires et le corps enseignant sélectionnent les ressources les plus intéressantes pour chaque discipline.

Lire. L’écran rétro-éclairé d’un smartphone est relativement petit et n’est pas idéal pour la lecture suivie de longs textes, mais c’est un des moyens d’accès à la littérature. Pourquoi s’en priver? Du moment que près de 50% des jeunes en Suisse ne lisent que rarement ou jamais de livres (étude JAMES) et 73% jamais d’e-books, le seul risque pourrait consister à ce que les écoliers et écolières découvrent le plaisir de la lecture de littérature par ce moyen! Puisque l’élève a toujours sur lui son appareil, il ou elle pourra lire quelques pages quand cela lui chante.

(Lire mon article: «Livre numérique: le smartphone pour lire les classiques à l’école?», 17 mars 2015.)

A l’école, la lecture implique souvent de faire une lecture plus fouillée que celle que l’on ferait pour son pur plaisir. Il est important de bien comprendre le vocabulaire. Pas de problème, si un vocable est inconnu, par un simple effleurement d’un mot l’élève a accès instantanément à sa définition dans la langue du texte. L’accès au web lui permettra de consulter les ressources fournies par l’enseignant-e ou de faire une rapide recherche complémentaire.

Communiquer. Apprendre une langue en situation de communication authentique favorise la motivation des élèves et leur investissement dans cet apprentissage. L’utilisation d’un service de messagerie instantanée (chat) pour dialoguer avec des interlocuteurs et des interlocutrices de la langue maternelle étudiée est idéale. Si ces personnes sont par ailleurs des spécialistes d’un domaine du programme d’étude: géographie, biologie, économie, etc., l’activité se transforme en un moment d’apprentissage par immersion.

En ce qui concerne la mise en oeuvre de la langue, la communication textuelle en direct nécessite de rédiger correctement ses phrases, d’utiliser les formes de politesse adéquates, d’interpréter les non-dits et de répondre aux attentes de l’autre. Pour ce type d’activité, on peut imaginer une réorganisation de la salle de classe et un travail collaboratif en très petits groupes ou en binômes, l’enseignant-e circulant de table en table.

Un autre exemple: la production de brefs textes, qui peuvent être complétés par des images, pour alimenter un blog, un fil Twitter ou une page Facebook de classe. Les domaines intéressants ne manquent pas: veille scientifique, vie de son quartier ou de son village, revue de presse. Une forme renouvelée du journal de classe permettant d’impliquer les enfants et adolescent-e-s. Une telle activité permettrait en outre de les sensibiliser à des problématiques d’éducation aux médias (un domaine transversal du Plan d’étude romand).

(Lire mes articles: «Centres de loisirs: des médias gérés par les jeunes?», 23 janvier 2017, et «Journal de classe: Ah! M. Freinet si vous saviez!», 24 octobre 2016.)

Expérimenter. Les capteurs et appareils d’enregistrement (image, film, son) dont sont équipés les smartphones associés à des applications permettent de les transformer en appareils de mesure et centre de calcul. Les élèves peuvent tester ou découvrir par l’expérience une théorie en cours de sciences. Prenons l’exemple des lois de la physique. Voici une expérience qui peut être conduite en extérieure: il s’agit de filmer la trajectoire d’un objet dans l’espace, par exemple le lancer d’un ballon sur un terrain de basketball, puis d’importer cette vidéo dans une application qui va instantanément extraire les informations de l’objet mobile pour les restituer sous forme graphique. En visualisant les résultats de leur lancer de ballon, les élèves observent les corrélations entre les différents facteurs et analysent l’expérience réalisée de manière détaillée.

Les capteurs dont sont équipés les smartphones (accéléromètre, gyromètre) permettent d’acquérir les données à la réalisation d’expériences en sciences expérimentales. De nombreux modules de capteurs peuvent être ajoutés pour des expériences de laboratoire (température, humidité, pression barométrique).

N’est-il pas temps de faire sortir cet instrument polyvalent des sacs des élèves pour l’utiliser en classe?


Modèle pour citer cet article:
Domenjoz J.-C., «Des usages pédagogiques du smartphone en classe», Éducation aux médias et à l’information [en ligne], 20 décembre 2017, consulté le date. https://educationauxmedias.ch/des-usages-pedagogiques-du-smartphone-en-classe


Cet article concerne le domaine Médias, images et technologies de l’information et de la communication (MITIC) – Éducation aux médias et à l’information (EMI) – Media and Information Literacy (MIL) | Éducation numérique | educationauxmedias.ch

Auteur/autrice : Jean-Claude Domenjoz

Expert de communication visuelle et d’éducation aux médias