Que peuvent apporter les neurosciences à l’apprentissage?

Les recherches sur le cerveau contribuent à mieux comprendre les processus d’apprentissage et peuvent permettre de concevoir des moyens d’aide plus efficaces. Des spécialistes ont proposé leur vision et discuté des limites aux applications possibles des neurosciences pour l’enseignement et l’apprentissage lors de l’ultime congrès organisé par la Fondation suisse pour la formation par l’audiovisuel (FSFA).

Les technologies peuvent-elles favoriser des processus d’apprentissage plus efficaces? Que peuvent apporter la recherche fondamentale et la recherche appliquée sur le cerveau à la manière dont nous apprenons? Pouvons-nous espérer à l’avenir mieux apprendre et plus durablement? Où les développements des sciences et des techniques nous mènent-ils en matière d’éducation? C’est à ces questions brûlantes qu’a été consacré le récent congrès de la Fondation suisse pour la formation par l’audiovisuel (FSFA) qui eu lieu le 14 mars à Berne.

Les neurosciences apportent des savoirs nouveaux sur le cerveau et les processus d’apprentissage qui peuvent contribuer à la conception de moyens d’aider plus efficacement les personnes engagées dans une démarche d’apprentissage. Les présentations et les tables rondes du congrès de la FSFA ont permis au public de mieux appréhender l’état des recherches en la matière et les limites à leurs applications possibles. Échos subjectifs.

Samuel Kerrien, informaticien au Blue Brain Project de l’EPFL, a présenté le projet de simulation par ordinateur du cerveau entrepris il y a plus d’une décennie. Les chercheurs et les chercheuses travaillent à la simulation d’agglomérats de neurones interconnectés et espèrent ainsi mieux comprendre les processus à l’oeuvre dans l’encéphale, notamment les processus d’apprentissage. A l’heure actuelle, la recherche porte sur le développement de modèles numériques de parties du cerveau du rat.

Les résultats de la recherche sur le cerveau permettent déjà des applications très prometteuses dans le domaine de la réhabilitation neurologique et de l’aide aux personnes paralysées. Des investigations de pointe sont réalisées avec des personnes tétraplégiques qui apprennent à contrôler un bras artificiel robotisé par la pensée. Cependant, Clare Maguire, physiothérapeute et chargée d’enseignement au REHAB à Bâle, a observé que les résultats de l’usage des technologies de pointe sont bien meilleurs lorsqu’ils sont combinés avec les besoins humains fondamentaux comme les contacts sociaux ou l’expérience de la nature. Elle a fait le constat, à certains égards étonnant, de la proximité des processus de la réhabilitation neurologique et de l’école qui «promeuvent la neuroplasticité, donc la faculté du cerveau à s’adapter et à se régénérer». Les mécanismes normaux d’apprentissage et d’adaptation sollicitent en effet constamment la plasticité neuronale du système nerveux central.

C’est à la même constatation qu’est arrivé Thomas Grunwald, directeur médical du Centre suisse pour épileptiques de Zurich. Si l’hippocampe est stimulé par quelque chose qui est perçu comme neuf en même temps que l’amygdale est stimulée par des émotions, alors l’information est définie comme pertinente et mémorisée. Il en découle que les pédagogues devraient offrir des situations d’apprentissage permettant d’appréhender les notions à mémoriser de manière constamment renouvelée et propre à susciter des émotions, en particulier du plaisir. On peut généraliser en affirmant que les connaissances seront d’autant mieux intégrées par les individus si on leur propose des contextes motivants, favorisant une expérience authentique et des interactions sociales, plutôt que la répétition d’exercices.

Ivan Moser, collaborateur scientifique à l’Institut pour l’apprentissage à distance et la recherche sur l’e-learning à la Haute école spécialisée à distance (HESD), arrive aussi à des conclusions similaires. Il a testé le fonctionnement de travaux collectifs réalisés selon plusieurs modalités et constaté que des groupes qui ont communiqué par contact personnel en face-à-face, par vidéoconférence ou dans un environnement de réalité virtuelle avec des avatars ont obtenus des résultats équivalents. Etonnamment, l’intensité de la discussion, la prise de décision et l’acquisition de nouvelles connaissances sont comparables dans les trois situations de communication. Il se demande dès lors «pour quelle raison déployer des efforts importants pour créer un environnement de réalité virtuelle si une simple vidéoconférence produit les mêmes résultats?».

Finalement, Johann Roduit, chercheur au Laboratoire d’éthique et de politiques de la santé de l’EPFZ, a opposé la concurrence et la maximisation constante des performances humaines rendues possibles par les progrès techniques à la capacité de coopération et à la solidarité, soulignant que «nous avons le choix des technologies que nous développons et des règles que nous édictons à cet égard». Les capacités humaines peuvent déjà être améliorées à l’aide de divers orthèses, prothèses et implants incorporants des systèmes automatisés comme plusieurs conférenciers et conférencières l’ont montré. Johann Roduit a finalement posé la question essentielle: «quel genre d’êtres sommes-nous et que genre d’êtres voulons-nous être?».

Ce congrès est le dernier mis sur pied par la Fondation suisse pour la formation par l’audiovisuel (FSFA) qui sera dissoute après 26 ans d’activité. Le prochain congrès en mars 2020 sera organisé par le Centre de compétences pour l’enseignement à distance, l’apprentissage en ligne et la collaboration électronique en Suisse (SKZ-CH).

(Lire mon article: «Disparition de la Fondation suisse pour la formation par l’audiovisuel (FSFA)», 24 mars 2018.)


Référence
> Résultats de la recherche sur le cerveau pour un apprentissage durable – Comment pouvons-nous gérer la croissance exponentielle des connaissances? Congrès du 14 mars 2019, Fondation suisse pour la formation par l’audiovisuel (FSFA), Berne.
Le site et les documents ont été consultés le 4 avril 2019.


Modèle pour citer cet article:
Domenjoz J.-C., «Que peuvent apporter les neurosciences à l’apprentissage?», Éducation aux médias et à l’information [en ligne], 4 avril 2019, consulté le date. https://educationauxmedias.ch/que-peuvent-apporter-les-neurosciences-a-apprentissage


Cet article concerne le domaine Médias, images et technologies de l’information et de la communication (MITIC) – Éducation aux médias et à l’information (EMI) – Media and Information Literacy (MIL) | Éducation numérique | educationauxmedias.ch

Auteur/autrice : Jean-Claude Domenjoz

Expert de communication visuelle et d’éducation aux médias